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Je choisis d’écrire cet article non pas par envie de critiquer à droite ou à gauche, mais parce que c’est un sujet qui me paraît d’importance, et j’ai vu maintenant peut-être assez de choses qui m’ont heurtées à ce sujet pour en parler.

C’est plus pour alerter que dénigrer qui que ce soit.

À plusieurs endroits dans le Sutta Pittaka, qui constitue le recueil des enseignements authentiques du Bouddha historique (comme je me suis tout farci il y a déjà quelques années et que je n’ai pas les livres en ma possession, _ils sont à l’IEB de Paris où je n’habite plus_ j’ai un peu de peine pour le moment à retrouver les chapitres exacts), il est expliqué qu’un des plus hauts facteurs d’égarements, et qui concerne à plus forte raison les plus chevronnés dans la pratique d’une Voie spirituelle, est l’attachement aux « conceptions spirituelles diverses ».

C’est à dire qu’à un moment donné, si l’ on veut continuer à progresser, il faut justement abandonner toutes les conceptions qu’on s’est faites sur ce qu’on suppose être la spiritualité. Tous les grands mots un peu insipides, les classifications, les représentations justement qu’on peut se faire de l’Éveil… C’est ce qu’il y a de plus difficile, peut-être, à lâcher. Car que reste-t-il alors ? La réalité qui nous entoure, simple, qu’on a souvent de la peine à tolérer, mais qui parfois, justement, peut être pleine d’esprit, là où on ne l’attend pas.

« Le Royaume de Dieu est sous les pierres ». « Le Royaume de Dieu est semblable au levain… » Dans le christianisme, il y a pas mal de phrases comme ça, qui expriment que le spirituel n’est pas dissocié des choses réelles, matérielles… Dans le Zen on parle beaucoup de ça également. Souvent le disciple pose au Maître une question un peu trop abstraite et compliquée, et le Maître lui parle de la réalité simple ; ça peut aller jusqu’au coup de bâton sur la tête.

Ce sujet me semble important car j’ai vu beaucoup de personnes s’égarer dans ce sens, s’isoler dans une bulle de conceptions spirituelles fausses, envers et contre tout ce que la réalité pouvait leur envoyer comme signal.

Quelques exemples

Je vais citer quelques cas précis de personnes, sans donner les noms ni trop de détails bien sûr, dans le but de bien faire comprendre ce que je veux dire :

_J’avais un ami qui méditait pas mal et prétendait pratiquer un yoga méditatif spécial, le yoga des « quatre Dhyanas », yoga que pratiquait le Bouddha historique avant de devenir Bouddha. Pour lui, rien n’avait d’importance, tout était « absolument parfait ». Il avait parfois des crises de folie alcoolisées la nuit où ses comportements devenaient assez gênants et préoccupants; il était à plusieurs milliers d’euros de découvert sur son compte… Mais « tout étant parfait », il ne se préoccupait guère de tout cela. Je lui proposai un jour de faire, pour voir, un soin sur lui (je commençais à pratiquer en amateur à l’époque). Ne serait-ce que pour en savoir un peu plus sur la cause de ces moments de dissociation et d’inconscience qu’il subissait de temps à autre. Il me répondit que ce n’était pas la peine, « que tout était cool ».

Par contre il pouvait être très pénible sur des détails quant aux autres : lorsqu’on faisait la cuisine avec lui, il fallait la faire comme ci et pas comme ça… Un jour que nous sommes allés à la plage, j’ai nagé assez loin, comme j’aime bien le faire depuis gamin, et il m’a fait la morale pendant une demi-heure ensuite. En fait les choses ne devaient pas sortir du champ de sa conscience la plus immédiate, de ses habitudes, comme limitée à un genre de jardin d’enfants. Ces contradictions furent poussées à un tel niveau qu’il mit fin à ses jours quelques mois plus tard.

À mon sens, il y a avait ici une conception dégradée des doctrines dites de l’advaita vedanta, (la philosophie de Gandhi, accessoirement), considérant toute chose comme unie aux autres au travers d’un grand Tout harmonieux, le négatif uni au positif, et rien qui n’ait pas sa place dans ce monde, tel quel.

Cette pensée poussée à l’extrême fait considérer que tout est parfait, qu’il n’y a donc rien à changer à quoi que ce soit. C’est peut-être vrai du point de vue de l’Absolu, quand on place sa conscience à un niveau très élevé. Mais pas d’un point de vue plus relatif, plus quotidien. Il faut quand même régler les problèmes, avant qu’ils ne nous règlent nous-même. La question des points de vue est très importante : ce qui est vrai d’un point de vue peut très bien ne pas l’être d’un autre. On est là dans la pure logique indienne. (Nagarjuna, est personnage du bouddhisme indien, a beaucoup développé cette conception des points de vue).

Le Bouddha initialement nous dit que le but de l’existence est de sortir de la souffrance, justement, donc de mettre fin aux situations qui la génère, cette souffrance, à travers l’existence. Pas de rester à macérer dans sa propre inconséquence, pendant que tout s’effondre autour…

J’ai connu d’autres camarades de pratiques qui ont mit fin à leurs jours, un peu pour les mêmes raisons, voilà pourquoi c’est un sujet qui ne me semble pas secondaire.

_Une personne est venue me voir une fois, qui suivait une pratique spirituelle depuis des années, dans laquelle, (enfin c’était ses propos), on distingue des êtres dits « réalisés » des autres. « Un tel est un être réalisé, un autre est un être réalisé… » Alors moi quand j’entends ça, en général, j’ai plutôt envie de partir en courant… Je me suis toujours méfié de toutes ces classifications ridicules. De toutes les personnes que j’ai pu admirées dans ma vie, je n’en ai connu aucune n’ayant plus aucun travail à faire en elle-même… D’ailleurs qui peut dire d’un tel ou d’un autre qu’il est un être « réalisé » ou pas ? Qui a suffisamment de hauteur pour pouvoir le dire ?

Gautama, le Bouddha indien historique, après son Éveil, n’avait, semble-t-il, pas tout réglé : il insulta son cousin Devadatta, le traitant de « crachat » et de « cadavre »… Plus tard il eut régulièrement des douleurs de dos, à tel point qu’il ne pouvait enseigner parfois, et demandait à son secrétaire Ananda de le faire à sa place.

Aux niveau des énergies, cette personne donc était totalement « atrophiée » en bas du corps. Normalement, dans les corps subtils, on peut voir comme des genres de racines de feu sortir des jambes et des pieds de la personne. Ici, rien du tout. Elle avait « décollé » de la réalité. Bien évidemment, le soin ne lui a pas fait grand chose, puisque ce genre de personne est en général complètement déconnecté de ses propres sensations. De plus, les conseils que je lui prodiguai, de revenir à une spiritualité plus physique, plus enracinée dans la vie concrète, furent comme de l’eau dans un seau percé.

Ce sont les personnes qui me posent le plus de problèmes en consultation : celles qui suivent une Voie spirituelle mais qui n’acceptent d’être aidées que dans la mesure où ça ne contredit pas leurs conceptions et les idées qu’elles se font du monde subtil, que ça ne sorte pas de leur pré carré. Elle sont en général extrêmement difficiles à aider, voire impossibles.

_Un jour, j’étais à un genre de déjeuner-rencontre de thérapeutes dans un petit village. Une des personnes présentes, l’organisatrice, disons, discutant avec une autre, parlait de telle ou telle personne non présente en disant : « Alors celui-ci il est dans la 5D, celui-là non… » etc. Elle distribuait des bons points de spiritualité à distance. Bien évidemment, il y avait derrière cela le désir de prendre l’ascendant sur nous.

Car bien sûr, les milieux dits « spirituels » ne diffèrent pas des autres. Il y a les mêmes jalousies, les mêmes besoin d’avoir, pour certains, leur petite cour, et de détruire ceux qui pourraient représenter une gêne à cela… L’habillement n’est pas le même, simplement.

Ma conclusion

Je pars du principe qu’il y a un grand nombre de traditions spirituelles différentes qui contiennent toutes une véritable sagesse, en cela je pense qu’il ne faut pas être trop fermé dès le départ. Mais, à mon sens, toute spiritualité peut avoir sa version dégradée, illusoire, éloignée de sa racine. Soit chez un individu isolé s’y créant comme un refuge précaire, soit chez quelqu’un ayant le désir de soumettre à sa volonté d’autres personnes…

Comment, à mon sens, reconnaître une spiritualité mensongère, par rapport à une authentique ? En ceci que la version mensongère nous éloigne de la réalité physique et concrète. Une bonne spiritualité doit nous aider à nous incarner dans ce monde, aussi difficile soit-il. À y créer notre place et à tirer le meilleur de nous-même. L’être humain est comme un arbre, si ses racines ne sont pas bien déployées dans la réalité, il ne peut rien donner qui n’ait de valeur réelle.